la lucidité des folles poupées parlantes


poupée folle qui parle et dit quand on la branche
tu dois me brancher
et qui dit quand on la débranche
tu dois me brancher

j'admire les papillons qui la nuit
malgré la forte pluie d'orage voltigent
par centaines autour des lampadaires

poupée folle qui parle et dit quand on la branche
tu dois me débrancher
et qui dit quand on la débranche
tu dois me débrancher

je déteste les papillons qui la nuit
malgré la forte pluie d'orage voltigent
par centaines autour des lampadaires



l'horloge des oiseaux : levé du soleil 4 heure30, mi-mai


3 heure (rouge-queue) : l'histoire de ton père
est profondément ensevelie dans la terre.
3 heure10 (rouge-gorge) : on va te dégager cette terre.
3 heure15 (merle) : tous ceux que tu as aimés un jour sont allés là
où il n'y a plus rien.
3 heure 20 (troglodyte) : et les flashs qui brillent un instant
dans tes yeux se font grimaçants.
3 heure 30 (coucou) : et les chères petites étoiles
chantonnent onnepeutonnepeutonnepeutpas te le donner
3 heure 40 (mésange charbonnière) : après la tempête une autre tempête.
3 heure 50 (pouillot véloce) : derrière une étoile une autre étoile.
4 heure (pinson) : je vais à travers ma ville et ce n'est pas
ma ville à travers laquelle je vais.
4 heure 20 (moineau) : je me pense et je ne suis pas
celui qui me pense.
4 heure 40 (étourneau) : l'hiver qui fait le lit dans
lequel je couche mon sommeil.

un certain degré de clarté sert de signal de réveil aux oiseaux. ce degré
de clarté est si prévisible pour chaque espèce, qu'au printemps
il est possible de se laisser réveiller par le chant d'un oiseau.




chutes


la chute
des pétales d'une lourde
tulipe loin de la tige au long cou tordue hors
du vase pourquoi donc ne pouvais-je pas ( œil
grand ouvert)
attendre

la chute
d'une paupière
lourde après l'autre loin du corps enroulé dans
la couverture pourquoi donc ne pouvais-je pas (pétale
de tulipe)
attendre




les cheveux en bataille

pour jonathan meese

les oreilles coquilles d'escargot
le front immense plaque de cuivre
les sourcils des viaducs
les yeux des roues à rayons en train de tourner
le nez un nœud de vipères
la bouche une catastrophe minière
le menton une écuelle en porcelaine blanche
bras jambes tronc sexe
pièces éparpillées sur le sol le cœur
un feu d'artifice jaillissant autour de soi




printemps
printé
printomne
prinver
étemps
été
étomne
éter
autemps
auté
automne
auver
hitemps
hité
hitomne
hiver




son monument dressé


ma grand-mère de 88 ans vit
et si elle devait un jour dormir trop longtemps
dit-elle à ma fille il faudrait
simplement lui tirer le bout de l'oreille

ma grand-mère de 88 ans vit
elle a aussi survécu à cet hiver le
prochain printemps est toujours le plus beau
nous coupons des branches faisons du feu

ma grand-mère de 88 ans vit
son monument se dresse sur google earth
dans son jardin ouvrier dépouillé de feuilles
à côté du tas de compost

ma grand-mère de 88 ans vit
là plus loin une minuscule tache bleue
récalcitrante (son tablier de travail)
avec un point blanc (ses cheveux).



poussière avare de paroles


oh ouioui la bouche devient si paresseuse oh
ouioui les filles si studieuses oh ouioui
l'harmonica joue oh ouioui la
bouche s'embrase oh ouioui quelle
bouche de canon non oh non cette
bouche de canon oh ouioui les bouches clouées
sont oh ouioui les momies de bouche sont
brrr leur poussière leur poussière avare de paroles



sommeil profond


moustique



haiku



l'incroyable effet
adoucissant sur les pierres
mort d'étoile de mer


balais silencieux
peupliers dénudés, rien
ne dégage le ciel


bourdon ! tu es con
d'exploser ton ventre poilu
contre un banc en bois !


durant un hiver
l'imposante cime de l'arbre
montre ses racines


pleine lune en poussière
de grands morceaux cassés brillent
dans la neige nouvelle


la rafale de vent
hérisse son poil, l'écureuil
s'agrippe dans l'arbre


numérotée, l'ombre
des tilleuls aux emplacements
torrides du parking


comment la pleine lune
se jette contre (ombre ! noirceur !)
la fumée qui monte


la coccinelle sur
un bouton d'hibiscus au
fond du cendrier


nous mangeons avec
des baguettes, couteaux, fourchettes
pour le personnel


coincé entre les
pages de mon livre préféré
moustique écrasé


à vélo, menton
fraîchement rasé, frôlé par
l'aile d'un papillon


arrogant comme un
épicéa toujours vert
son manteau de lierre


réveillé, éteindre
la lumière avec laquelle
on s'est endormi


le nuage chargé
restreint son effondrement
au champ de colza


retour de la pêche
bateaux acclamés au port
par le clapotis


(Translated by Michèle Métail)